Des marchés se ferment mais d’autres restent à ouvrir

13 Mars 2025 Journalistes : Julia Commandeur – www.reussir.fr

Christophe Artero, directeur général de FDA International : « Des marchés se ferment mais d’autres restent à ouvrir. Je pense par exemple au Mexique pour les pommes, qui représente un fort potentiel. »

FLD poursuit ses portraits d’expéditeur exportateur de fruits et légumes afin de faire découvrir ce métier souvent mal connu. Aujourd’hui, échange avec Christophe Artero, spécialiste du grand export en fruits et légumes. Il analyse l’évolution du métier, les nouvelles tendances et l’avenir de l’exportation française. « Nous aurons besoin de l’appui de notre administration française, de ports maritimes performants et d’une compagnie maritime française à nos côtés », avertit-il aussi.

Christophe Artero est directeur général de FDA International , société d’ exportation maritime de fruits et légumes français. Lors d’une interview à FLD le 12 février, ce spécialiste du grand export , très méthodique, nous raconte les évolutions du métier depuis 30 ans, sa stratégie, ses fiertés et ses espoirs d’ouverture de marché pour des fruits et légumes français.

Alors que l’ Aneefel , l’Association nationale des expéditeurs exportateurs de fruits et légumes, tiendra son assemblée
générale les 20 et 21 mars prochains ,
FLD a pu échanger avec 6 expéditeurs exportateurs de fruits et légumes sur l’évolution de leur métier, les contraintes et les enjeux. Quel sera le métier d’expéditeur exportateur demain ? Chacun-e, avec son histoire, son profil et sa vision bien à lui/elle, s’est prêté au jeu des questions-réponses. Plongée dans ce métier encore mal connu avec ces 6 interviews dont la parution s’étalera sur les prochaines semaines sur le site Internet de FLD .

FLD : Qui est Christophe Artero ? Quel est votre parcours ?

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Christophe Artero : J’ai tout d’abord effectué mon stage de fin d’études à Alméria en Espagne dans la coopérative de fruits et légumes Agroponiente. Puis j’ai débuté ma carrière professionnelle, en 1994, toujours dans les fruits et légumes et à l’exportation. Un producteur indépendant cherchait de nouveaux marchés pour ses fruits.

A cette époque la conteneurisation s’était développée (auparavant le transport maritime s’effectuait dans des cales réfrigérées). Nous pouvions donc envoyer de plus petites quantités à l’autre bout du monde.

J’ai donc été chargé de trouver et de développer de nouveaux marchés lointains : le Sud-Est asiatique qui était alors dans l’ère du temps , puis le Moyen-Orient, l’Amérique du Sud et Centrale… J’ai commencé en fruits, puis en fruits et légumes, et enfin en fruits et légumes et alliums .

« A cette époque la conteneurisation s’était développée »

FLD : Pouvez-vous présenter votre entreprise FDA International ?

Christophe Artero : FDA International , basée à Saint-Barthélemy-d’Anjou (Maine-et-Loire), est une société de négoce en fruits et légumes que j’ai créé en 2016 avec des producteurs afin d’exporter leurs fruits et légumes et alliums . Nous avions des accords avec les producteurs, par bassin de production : Val de Loire, Sud-Est et Sud-Ouest pour les fruits ; pour les alliums ( ail oignon échalote) nous travaillions principalement avec l’ Anjou et la Bretagne .

Aujourd’hui nous sommes une entreprise de 5 personnes dédiées au commerce. Les opérations non-opérationnelles (informatique, finances, marketing…) sont sous-traitées à des entreprises angevines.

FLD : Quelles compétences et savoir-être faut-il avoir pour être exportateur en fruits et légumes ?

Christophe Artero : Un : Il faut connaître et aimer les produits . Pour les vendre, d’autant plus à l’international, il faut y être sensible pour véhiculer l’attrait du produit.

Deux : il faut avoir un ADN international . La découverte de nouveaux pays, clients, façons de penser, de voir les choses, tout cela est passionnant . Il faut être curieux des choses pour pouvoir rapporter des idées nouvelles qu’on a vues à l’étranger et les greffer sur notre secteur d’activité. J’ai beaucoup voyagé, un peu moins maintenant.

« Il faut être curieux des choses. La découverte de nouveaux pays, clients, façons de penser, de voir les choses, tout cela est passionnant »

FLD : Quelles évolutions du métier avez-vous pu constater depuis 1994 ?

La première : l’ EMERGEANCE de NOUVEAUX PAYS. Des pays émergeants qui (Pologne, Turquie, Serbie, Ukraine, Moldavie…) sont venus nous prendre des parts de marché . La production elle, a baissé.

Deuxième évolution : l’ ATOMISATION DES MARCHES . J’ai constaté une hausse du nombre d’acteurs dans la filière en amont et en aval. On a vu un nombre croissant d’opérateurs français, européens et étrangers qui se sont diversifiés et donc des pays autrefois structurés qui se sont atomisés au fil des années.

Troisième évolution : UN PROTECTIONISME GRANDISSANT . Des pays, autrefois clients importants, ont imposé des restrictions croissantes, et je les qualifierais de  » phytosanitairement protecteurs. L’Indonésie ou la Thaïlande pour la pomme peuvent refuser des conteneurs aisément et exigent de plus en plus d’agréments stations/vergers. Ces destinations sont de plus en plus contraignantes , et donc disparaissent peu à peu.

« Des pays émergeants qui ne produisaient pas auparavant sont venus nous prendre des parts de marché. La production française, elle, a baissé »

FLD : D’autres marchés restent-ils à ouvrir ?

Christophe Artero : Des marchés se ferment mais d’autres restent à ouvrir . Je pense par exemple au Mexique pour les pommes, qui représente un fort potentiel. De même, le Vénézuéla qui était autrefois une des destinations phares pour les exportateurs français.

Je ne désespère pas voir des échalotes et des échalions français dans les rayons des supermarchés brésiliens. Lorsque je constate que nos voisins européens exportent mais pas nous…

Les accords du Mercosur , contre lesquels se positionnent les agriculteurs qui craignent pour le marché de la viande, sont à mon sens une aubaine pour les exportateurs fruits et légumes et pour les viticulteurs français.

En Asie, le potentiel est certain en légumes. Le Japon est un marché haut de gamme à ne pas négliger .
Des marchés devraient s’ouvrir sous le travail des pouvoirs publics français. Je souhaiterais voir
un appui et un dynamisme plus important de la part de notre administration française.

FLD : Que faire face à ces difficultés ?

Christophe Artero : Face à cela on est résilient -une autre qualité à avoir dans la filière des fruits et légumes. Il faut toujours se remettre en question, comprendre ce qui a marché et ce qui n’a pas marché . Il n’y a pas de solution miracle. Comme mon grand-père disait, il faut être droit dans ses bottes.

Ma stratégie est d’avoir une vision sur 3 ans et ensuite garder ce cap , s’y fixer même si surviennent des pépins commerciaux, climatiques, etc. Il faut toujours garder sa position, avoir confiance en soi et en son équipe. Surfer sur la vague ou être opportuniste ne font pas partie de mes valeurs.

FDA International est un exportateur français implanté et reconnu en France mais à l’échelle mondiale nous sommes tout petit. Pour nous démarquer, nous misons sur le service client . Nous avons aussi créé une identité propre avec une marque déposée , associée à notre entreprise et à notre image: Kawane .

« Ma stratégie est d’avoir une vision sur 3 ans. Il faut toujours garder sa position, avoir confiance en soi et en son équipe »

FLD : Quelle est votre plus grande fierté dans ce métier ?

Christophe Artero : Voir son produit dans un rayon de la grande distribution ou sur un étal de marché à l’autre bout du monde est l’ aboutissement d’un long travail et une vraie fierté. Véhiculer l’image de la France à l’international est aussi une fierté.

FLD : Demain, en quoi constituera le métier d’exportateur en fruits et légumes ?

Christophe Artero : Excellente question ! D’autant que je ne  » vois qu’à trois ans.

Ce que j’ai constaté depuis 10 ans, c’est que tout le monde veut désormais faire le métier de tout le monde . Je voudrais que les entreprises reviennent à un domaine de marché spécialisé pour réduire cette atomisation. Est-ce que c’est possible ? Je n’y crois pas malheureusement.

Autre tendance : les pays tentent à se recroqueviller sur leurs territoires nationaux ou de proximité .

Le métier d’exportateur consistera à être rapide, flexible et irréprochable, car même à l’autre bout du monde, les clients sont exigeants et impatients. Nous aurons besoin de l’appui de notre administration française , nous aurons besoin de ports maritimes performants et d’une compagnie maritime français e à nos côtés. Nous FDA International gardons le cap que l’on s’est fixé et nous nous reverrons dans trois ans.

« Le métier d’exportateur consistera à être rapide, flexible et irréprochable, car même à l’autre bout du monde, les clients sont exigeants et impatients »

La pomme Kawane made in FDA International

Ce qui est valable aujourd’hui pourrait être dépassé demain : Christophe Artero, directeur général de FDA International SAS, évoque les défis actuels et, surtout, la pomme Kawane, récemment présentée à l’automne dernier. Grâce à ses caractéristiques, elle est particulièrement bien adaptée à la commercialisation sur des marchés lointains.

Un peu de contexte

Tant FDA International que La Renomière SAS font partie du groupe VEGE France, dirigé par Christophe Artero. Ces entreprises ont des orientations différentes : tandis que FDA International exporte des fruits et légumes vers des marchés lointains, notamment les territoires d’outre-mer, La Renomière se concentre sur la commercialisation de produits frais en France et dans d’autres pays européens.

Un accent particulier est mis sur les pommes françaises, explique Christophe Artero, et notamment sur la nouvelle variété Kawane, qui s’annonce particulièrement prometteuse. Il en explique ensuite les raisons. Outre les pommes, l’entreprise exporte également des classiques français comme les échalotes, ainsi que des poires, kiwis, raisins et prunes. Hors saison en France, ces produits sont importés du Chili.

Le même assortiment de fruits et de spécialités à base d’oignons se retrouve chez La Renomière, avec en complément une large gamme de légumes, incluant des variétés anciennes et des asperges au printemps. Les légumes et les produits à base d’oignons occupent une place particulièrement importante sur le marché allemand, précise Christophe Artero. Bien que l’Allemagne soit elle-même un pays producteur, elle représente un marché clé pour les fruits, les échalotes et les oignons français.

Kawane, la pomme croquante et sucrée pour l’exportation

Face à cet assortiment varié, nous interrogeons Christophe Artero sur les priorités de l’année à venir. Il répond que l’accent sera mis sur le développement de la nouvelle variété de pomme Kawane ainsi que sur l’expansion de La Renomière.

Il détaille ensuite ce qui rend cette pomme si particulière. Son nom original, Kawane, est inspiré du mot français « Caouanne », qui désigne la tortue caouanne, une espèce marine menacée. Cette tortue figure d’ailleurs sur l’autocollant de la pomme. Le lien ? Toutes deux traversent les océans, une analogie qui leur a plu.

C’est justement pour cela que la pomme Kawane, cultivée en France, est idéale pour l’exportation. Son chair croquante et très sucrée séduit particulièrement les marchés d’Amérique centrale, du Moyen-Orient et d’Asie, où les pommes à haute teneur en sucre (valeurs Brix élevées) sont très appréciées. Contrairement à d’autres variétés sucrées souvent plus fragiles, Kawane se distingue par une fermeté exceptionnelle, garantissant une excellente conservation et une grande résistance au transport sur de longues distances.

Mais Kawane ne séduit pas que par son goût : sa peau lisse et éclatante, d’un rouge intense, en fait également un atout esthétique sur les étals internationaux. Bref, un véritable atout sur tous les plans, estime Christophe Artero, qui veut accorder une attention particulière à cette pomme cette année, dans un contexte où la concurrence devient de plus en plus agressive et où le marché connaît une disruption constante.

« Les aléas climatiques, les défis logistiques, les avancées technologiques – y compris l’intelligence artificielle – nous rappellent que ce qui est valable aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain », conclut Christophe Artero.

Et face à ces défis, la réponse de VEGE France est claire : s’adapter aux évolutions du marché tout en restant fidèle à sa vision. Une approche qui rappelle bien l’image de la tortue caouanne, naviguant avec résilience à travers les océans.

Version Anglaise & Allemande : FruchthandelMagazin-FrankreichSpecial2025-FDA International